Innu Nikamu – Un festival et un film
10 Octobre 2017
Mani-Utenam
« Innu Nikamu utilise un message pacifique, la chanson. »
Kevin Bacon Hervieux, Innu
Pour les communautés autochtones, les festivals agissent comme d’immenses haut-parleurs qui diffusent l’énergie créatrice des membres des Premières nations et des Inuit. Ils offrent une scène et une tribune aux jeunes artistes comme à ceux et celles qui les ont inspirés. Ils jouent une partition unique dans la réappropriation des cultures et des langues autochtones et battent le rythme d’une identité en pleine affirmation qui ne cherche qu’à s’exprimer. Ils construisent des ponts sur les rivières de l’indifférence et des préjugés et rassemblent les familles et les nations autour de moments festifs et inoubliables, partagés avec des personnes de toutes provenances assoiffées de découvertes. C’est tout cela qu’illustre le réalisateur Kevin Bacon Hervieux dans son film Innu Nikamu : Chanter la résistance.
La bande annonce du film « Innu Nikamu : Chanter la résistance » de Kevin Bacon Hervieux présente des images d'archive, le montage du site du festival et des performances scéniques. Elle trace un court historique de l'industrialisation et de la colonisation de la Côte-Nord. Elle évoque le récit d'une longue guérison et comment la musique y a participé.
Lien externe vers la bande annonce du film (Voir la bande annonce)
Transcription d’un article publié dans le cahier Culture, section B8 du journal Le Devoir, le mardi 10 octobre 2017.
«Innu Nikamu», l’histoire d’un festival hors norme à Maliotenam par Caroline Montpetit
La trame narrative du documentaire Innu Nikamu , de Kevin Bacon Hervieux, exprime des faits réels. Il ne s’en dégage pas moins une charge symbolique impressionnante. Le film retrace l’histoire du Festival Innu Nikamu, qui célèbre depuis 34 ans la culture des Premières Nations, dans la réserve innue de Maliotenam, sur la Côte-Nord. Ce festival se tient depuis ses débuts sur les ruines du pensionnat de Maliotenam, construit en 1952, puis détruit en 1970, après avoir accueilli des milliers d’enfants.
Jusqu’en 2011, il n’en restait plus que l’ancienne cordonnerie, où le festival avait d’ailleurs établi ses bureaux. « Après un certain temps, on se demandait pourquoi certaines personnes ne venaient jamais au festival » , raconte Kevin Bacon Hervieux, qui est aussi l’un des organisateurs de l’événement. Dans la foulée des révélations sur les abus perpétrés au pensionnat et de la Commission de vérité et réconciliation, l’équipe du festival apprend que de nombreux abus ont été commis précisément dans cette cordonnerie, du temps du pensionnat. En 2011, la communauté a donc entrepris de brûler l’édifice avec du tabac, qui a une valeur sacrée dans la culture innue. « Les gens se sont sentis soulagés » , raconte Kevin Bacon Hervieux.
Le Festival Innu Nikamu est né de la collaboration de Florent Vollant avec quelques artistes, qui s’étaient réunis pour jouer sur une petite scène de Maliotenam. Le rendez-vous s’est progressivement installé chez les autochtones. Aujourd’hui, il accueille des artistes non autochtones de grande renommée, dont Simple Plan et, il y a plus longtemps, Blue Rodeo. Le documentaire raconte également comment les artistes se sont progressivement remis à chanter en innu, alors que plusieurs avaient renoncé à utiliser leur langue maternelle. C’est le chanteur Philippe McKenzie, rencontré dans le film, qui a ouvert la voie à ce courant — qui a notamment donné naissance au groupe Kashtin, qui a connu un très vif succès dans les années 1980.
En entrevue dans le film, Florent Vollant affirme d’ailleurs que la montée de Kashtin a été interrompue parce que les stations de radio ont boycotté le groupe pendant la crise d’Oka de l’été 1990. Ensuite, le groupe, qui avait alors le vent dans les voiles, n’a pas connu de remontée.
Le Festival Innu Nikamu a aussi la particularité d’être, depuis ses débuts, un festival sans alcool, ce qui complique parfois le financement. L’un des organisateurs raconte dans le documentaire comment il a organisé un bingo illégal pour le financer, avant d’être traduit en cour. Le juge a finalement condamné le festival à 250 $ d’amende, que le magistrat a offert de débourser de sa poche !
« Florent Vollant tenait absolument à ce que ce festival soit sans alcool » , dit Kevin Bacon Hervieux en entrevue. Le jeune réalisateur de 25 ans croit lui aussi que s’il y avait eu de l’alcool, donc trop d’alcool, l’événement ne se tiendrait plus aujourd’hui.
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