Des emprunts culturels
Jocelyn Paul
26 Mars 2011
Wendake
« L’identité n’est pas quelque chose coulée dans le ciment. »
Jocelyn Paul, Wendat
La culture d’un peuple, comme une langue, est un métissage. Elle se nourrit d’emprunts, sans renoncer pour autant à ses fondements. À l’image des nations, les identités autochtones sont multiples. Elles sont le fruit d’une histoire, d’un territoire et de rencontres. Chaque geste de rapprochement est un enrichissement, un ajout précieux à la contribution des ancêtres, socle sur lequel les nations se construisent.
Compte-rendu d’une entrevue réalisée avec Richard Moar
Comment on va travailler la guérison? Mon grand-père, à un moment donné, nous a dit : « Allez retrouver les outils que nous avions. C’est à partir de d’là que vous allez pouvoir guérir. » Tu sais, notre grand-père nous a donné c’te message-là, mais t’en avais d’autres qui voulaient rien savoir. Il y en a encore, parmi certains aînés, qui n’osent pas, qui ne veulent pas croire à ça, tu sais, qui veulent pas. Ils veulent pas savoir c’est quoi ça, t’sais, parce qu’on leur a tellement imprégné que le tambour, les cérémonies, les rituels, c’est diabolique.
T’sais, on leur a fait peur, et c’est cette peur-là qui existe encore, qui est encore omniprésente parmi certains aînés. Mais y’en a d’autres qui ont commencé à embarquer avec nous autres. Peut-être pas vraiment embarquer, mais nous soutenir, nous dire tranquillement : « C’est bon pour vous autres. » C’était un des derniers qui avait fait les sweats.
[…]
Mais, comme j’disais tantôt, je creuse pis je creuse. Ça, ça veut dire pas juste dans la terre, c’est dans la mémoire des gens. Je travaille beaucoup sur ça, avec les aînés. Mais pour qu’ils puissent retrouver cette mémoire-là, il faut qu’ils voient des choses.
J’ai commencé en 1992. J’ai commencé à aller chercher autre chose pour pouvoir me tenir en santé. Je suis allé vers les cérémonies et je me suis rendu même jusqu’au rain dance. C’est plus avec les gens de l’ouest du Canada, mais nous, on allait à Manitoulin Island, en Ontario, dans le bout de Sudbury.
Un village qui s’appelle Wiikwemkoong. C’étaient des guérisseurs. C’étaient des gardiens. C’est eux qui avaient gardé les cérémonies. Ils nous disaient que le rain dance, ça appartenait aux Atikamekw. Pis nous autres, au début, on n’était pas sûrs. Il fallait que ce soit confirmé par nos grands-pères. Ben, à c’moment-là, nos grands-pères n’osaient pas trop parler de ces choses-là. Certaines personnes connaissent l’histoire de personnes qui ont eu des pouvoirs, des dons, et qui se sont amusés avec, dans l’sens où y’étaient capables quasiment de tuer une personne avec c’te pouvoir-là. Y’appellent ça, des fois, la magie.
Quand on a su que le rain dance appartenait aux Atikamekw, on est allés. J’suis allé faire la cérémonie. J’suis allé vivre la cérémonie, aller vivre les rituels du rain dance pendant quatre ans, mais beaucoup dans la guérison. Beaucoup pour la guérison. Parce que, à c’moment-là, aussi, ma femme commençait à être malade. Pis je suis allé danser pis jeûner.
J’ai fait 4 ans avec le rain dance et, en même temps, je posais des questions. Et quand je revenais à Manawan, j’en parlais à mon oncle, qui avait un certain âge. J’lui racontais ces choses-là seulement pour travailler sur sa mémoire.
[…]
À un moment donné, mon oncle m’arrive. Y m’dit (on était en train de préparer le site). Y m’dit : « Richard, j’me souviens. » Y dit : « j’en ai vu un comme ça dans l’territoire. » Pis ça, ce sont des lieux sacrés.
Et j’étais content! J’étais content qu’on confirme parce qu’on l’a ramené, le rain dance, à Manawan. T’sais, on l’fait à Manawan. On a des grands-pères asteure qui ont eu des cadeaux pour pouvoir aider la communauté.
Ça là, c’est une grande fierté d’avoir réussi à aller chercher ces outils-là pour nous autres, qui nous appartenaient, qui appartenaient à nos ancêtres.
C’est tout ce chemin-là que j’ai fait, que j’ai creusé dans la mémoire des gens.
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