Petites créatures et grandes questions
Donald Caplan
13 Décembre 2010
Listuguj
« Je ne raconte pas ces choses-là en général. »
Donald Caplan, Mi'qmaq
Combien y a-t-il de réalités ? Qui peut dire que celle de l’un n’existe pas, car elle n’est pas celle de l’autre ? Ce qui nous dépasse n’est-il qu’illusion ? Le mystère doit-il mener obligatoirement au doute ? Comment réagir quand de petites créatures au sourire bizarre tressent les crinières des chevaux la nuit ou nous demandent du tabac et des bonbons ? « Il faut leur faire honneur », conseille avec sagesse Donald Caplan. On doit lui faire confiance. Il sait.
Entrevue avec Donald Caplan.
Il y a une montagne qui se nomme Mount Carleton en anglais. Pour nous, les Mi’gmaq, ça a toujours été le Garaladjigetchk. Il y a une chanson sur les petites personnes qui vivaient au sommet bien avant que les bateaux à voiles n’arrivent sur le canal. Les petites personnes aiment mâcher du tabac. Oh! Elles adorent ça… Elles allaient sur le sommet de la montagne d’où elles pouvaient voir au loin. Et, quand elles voyaient les bateaux arriver, elles commençaient à chanter, à communiquer avec leurs familles, pour dire qu’un bateau arrivait.
[…]
C’est une chanson. Les petites personnes avaient un sourire moqueur. Et les premiers mots expliquaient à quel point leur sourire était moqueur sur leur visage. Et, quand elles voyaient les vaisseaux arriver, elles savaient qu’elles pourraient essayer d’obtenir du tabac à chiquer du capitaine. Quoi qu’il en soit, la chanson ressemble à ceci : « Nous avons besoin de tabac à chiquer, même celui qui est dans le crachoir. »[…]
J’ai entendu cette chanson lorsque j’étais un petit garçon. Mes parents la chantaient tout le temps. C’est une très vieille chanson. Tous les Mi’gmaq la connaissent. Elle est très populaire.
Tu peux aller en Colombie-Britannique, parler à n’importe quel aîné, et si tu demandes : « Est-ce qu’il y a des petites personnes dans les parages? » S’ils sont à l’aise, ils vont te parler des petites personnes. Il n’y a pas de différence entre ici et la Colombie-Britannique. Même dans toute l’Amérique du Nord. Tu peux aller en Arizona et parler à propos des petites personnes. Et un sourire va apparaitre sur leur visage. Et ils vont vous dire : « Oui, oui! Je suis intéressé. Je vais t’en parler. » Tout le monde connait une personne qui peut les voir.
[…]
Supposons que vous ayez peur, ou que vous soyez traumatisé, et que vous voyiez un fantôme juste devant vous… Comment est-ce que vous vous sentiriez? Comment vous présenteriez-vous? Choqué, surpris ou effrayé?
Les petites personnes, elles choisissent les gens. Elles savent que tu ne seras pas paralysé, ébranlé ou paniqué. Certaines personnes le sont lorsqu’elles voient des choses du genre. Je suis cool, calme et détendu parce que je les entends depuis que j’ai 5 ou 6 ans. Mon père contait des histoires sur elles. Mon grand-père avait une ferme avec des chevaux et des vaches. Tous les soirs, le cheval donnait des coups de sabot dans les murs et se déchaînait. Mon père allumait une lanterne au kérosène. Il entrait. Et tous les soirs, tous les soirs, ça n’y manquait pas, les petites personnes tressaient les crins du cheval. Des petites tresses.
[…]
Mon frère aîné disait : « Bon sang! Ces foutues petites personnes! Je suis tellement tanné et fatigué d’elles! Elles tressent les chevaux. Je dois défaire les tresses dans leurs poils tous les matins. J’en ai marre! » Ce n’est qu’après un long moment, cinquante années plus tard, qu’un aîné m’a dit : « Si les petites personnes tressent la crinière et la queue du cheval, laisse-les comme ça. Ça rend les chevaux plus forts dans les bois. » C’était la raison.
Nous avons eu des petites personnes ici. Je peux honnêtement dire que j’en ai vu des centaines. Des centaines de petites personnes. J’en ai vu dans mon ancienne maison. Un de cette taille. L’autre de cette grandeur… Elles se tenaient la main avec ce qui devait être leur fils ou quelque chose du genre. Et j’ai dit : « Oh! Je sais ce que vous voulez! »
J’ai parlé avec un guérisseur venu du Nord, un aîné cri, et il m’a dit : « Tu sais, les petites personnes se préparent à te donner des cadeaux. Tu ferais mieux de les honorer. Elles ont besoin de tabac. Elles ont besoin de bonbons et d’allumettes. » Je lui ai répondu : « Pourquoi les allumettes? » Il m’a dit : « Elles vont peut-être vouloir fumer! » C’est comme à l’ancienne, avec du tabac et des bonbons… Quoi qu’il en soit, l’aîné m’a dit : « Tu serais mieux d’avoir un tissu rouge comme cela, trois par trois, ou peu importe. C’est ce qu’elles demandent. » J’y ai mis des allumettes, du tabac et des bonbons, et je l’ai laissé là. Elles se préparent à donner des cadeaux. Je ne sais toujours pas ce que sont ces cadeaux… J’en ai plusieurs, mais un de plus, c’est OK.
[…]
Un jour, durant l’anniversaire de ma petite-fille, il était environ, je ne sais pas, peut-être sept heures. Les membres de ma famille sont allés en ville pour acheter des ballons. Puis, ils sont revenus et ils ont commencé à les gonfler. Puis, ils les ont attachés et les ont mis au plafond. J’étais assis à cette table et je les regardais. Derrière la chaise, il y avait une petite personne, un enfant, avec un tout petit ballon blanc. Il devait y en avoir trois ou quatre qui couraient dans le salon. Alors, j’ai dit : « Ah! merci! » Je ne l’ai pas dit à mes enfants. Les petites personnes fêtaient l’anniversaire de ma petite-fille. C’était très, très spécial. J’étais honoré. Je ne leur ai rien dit avant le lendemain. Je n’ai pas l’habitude de raconter ce genre de choses…
Une autre fois, j’étais en train de faire une tente à sudation à Maria. Les pierres chauffées rentraient dans la tente, et j’étais assis du côté ouest, face à l’est. Les pierres rentraient. Les gens étaient prêts à entrer. J’ai regardé par terre, juste devant moi. Il y avait une petite personne assise avec un short en spandex gris et une petite serviette blanche. Et il regardait aussi les pierres. J’ai dit : « Je suis honoré! » J’étais honoré d’avoir des petites personnes dans la tente à sudation. Je ne l’ai dit à personne, mais je me suis dit : « Et quoi, encore? Un short en spandex gris! »
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